Morts en Vrac : Nouvelles (extrait ici)


Livre disponible depuis le 8 aout 2014
Destiné aux adultes

Livre en format électronique : 1e99



  Un extrait supplémentaire



Trip


     « Ça sent le sapin. »

     Je suis en train de crever et la sève des sapins m'entête à chaque inspiration. Moi, Gaston Vidal, allongé dans un pré, le nez dans les étoiles et l'entrejambe de mon pantalon mouillé, je faiblis. Ce sont mes dernières bouffées d'oxygène avant la fin, je le sais bien. Mon corps est engourdi, je n'arrive plus à le bouger comme s'il était plâtré de la tête au pied.

     Je manque d'air, j'agonise, je clamse, je claque ou dégoupille ! Il existe beaucoup trop de verbes inutiles pour dire simplement qu'on va partir. Car c'est tranquillement que je m'en vais. Je me sens bien. J'en suis content. Christina me regrettera. Pas au début, bien sûr, elle m'en voudra beaucoup. Elle me traitera de fainéant, le gars qui ne se foule pas dans la vie...ni pour braver la Faucheuse.

« On inscrira gros feignant sur ta tombe quand tu seras mort, Gaston ! » me rabâchait-elle sans arrêt.

Ce sera chose faite. Elle aura raison, comme d'habitude, car fainéant je suis. Surtout ces derniers temps, depuis la perte de mon emploi. Je traîne du lit au fauteuil, puis du fauteuil à la chaise de cuisine, celle qui est la plus proche du frigo, et j'ouvre-referme sa porte au rythme de mon débit de boisson, aimant la bière sans compter...même si ma femme devrait compter plus !

« Traîne-savate un jour, traîne-savate toujours ! »

...Tenez, encore un exemple ! Voyez ce dernier jour de ma vie, eh bien je traîne à mourir !

     C'est ce que pense mon ami Chucky aussi. Il est à mes cotés. Je l'aperçois entre mes larmes, je sens sa main posée délicatement sur mon cou. Il prend soin de moi. Il veille mes derniers instants. Y'a pas a dire, un ami, c'est important !

     Allez, une dernière bouffée et je m'en vais ! Le temps de me rappeler... « Partir sur Orion et mourir ! ».

     C'est ça ! Je me souviens maintenant. Je me rappelle de tout. J'étais en route pour Algéban, une planète de la constellation d'Orion. Je dois être arrivé sur place maintenant, cependant je ne la vois pas bien car mes yeux sont mouillés. Elle doit être magnifique ! Je n'ai plus rien à faire sur terre après un tel voyage, un voyage que je vais vous raconter, juste le temps de fermer mes paupières.

                                                                                        …..................

     Si comme disait Alfred Hitchcock, « vivre ce n'est pas seulement respirer, c'est aussi avoir le souffle coupé », eh bien je connus le bonheur absolu ce matin-là, alors que je foulais tranquillement la campagne sous une bruine d'automne, à la recherche de champignons hallucinogènes à gober. Je cherchais l'expérience d'un joyeux trip en ce lundi chômé parce qu'au chômage forcé. J'espérais m'extraire pour un temps de mon train-train quotidien fadasse. La vie m'avait attrapé par l'oreille comme le faisait mon prof de français de sixième – je m'en rappelle encore – et m'avait tiré jusqu'au gouffre de l'ennui, s'amusant à m'y tremper pour m'engluer de gélatine doucereuse sans exhausteur de goût, et cela pour le restant de ma vie.

     Le nez dans l'herbe à vache, je surpris un joli bouquet de psylos caché sous des fougères. Je trouvai ces petits champignons agglutinés les uns contre les autres comme pour se tenir chaud en cette fraîche matinée. Je les arrachai d'une poignée adroite, enfournai une partie dans ma bouche et l'autre dans ma besace. Je n'avais plus qu'à me laisser aller sous leurs effets, la bouche terreuse, la banane aux lèvres, allongé entre les pâquerettes et les boutons d'or.

     Je fus aussitôt pris de soubresauts incontrôlables. En me redressant sur mes mains, je compris que ce n'était pas moi qui vibrais mais le sol, à des mètres à la ronde. J'étais secoué comme un prunier, pris au cœur d'un tremblement de terre.

     Un tremblement de terre, en Normandie ?

Paniqué et agnostique – position mise à rude épreuve depuis cette seconde – je me recroquevillai en boule, fermai les yeux et priai tous les dieux sur terre – on ne sait jamais – pour garder la vie sauve...jusqu'au retour au calme quelques minutes plus tard, mais dans un lieu totalement inconnu et incongru ; un placard à balais. (...)



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à la rubrique Morts en Vrac",
en septembre 2014

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