mercredi 25 novembre 2015

Fred Vargas - genre : policier !

Les secrets d’écrivain de Fred Vargas
Angoissée par le vide, Fred Vargas est toujours en quête de nouvelles idées de romans. Quand une intrigue se fait jour, elle écrit, vite. Avant de polir, lentement.
Fred Vargas, c’est un peu l’histoire du lièvre et de la tortue : stressée par certains côtés, lente mais entêtée par d’autres. Alors que son dernier roman, L’Armée furieuse, vient à peine de sortir en librairie, l’auteure est déjà à la recherche du prochain. Une obsession quotidienne, qu’elle nourrit, elle aussi, dans son lit : « Chaque soir avant de m’endormir, je me mets à réfléchir à une intrigue, raconte-t-elle. Je n’arrête jamais de chercher des histoires depuis vingt ans. C’est juste qu’en m’endormant je me dis que je vais en profiter pour avancer sur une idée de polar. Je commence à butiner, à manigancer dans ma tête. »
Au départ, un détail…
Pour L’Armée furieuse, l’idée lui est venue d’une histoire moyenâgeuse, la Mesnie Hellequin, une horde composée de monstres et de revenants, de créatures infernales et de femmes nues, venant harceler les vivants. « Je n’arrivais pas à me sortir cette expression de la tête, j’étais piégée par cette première idée, explique-t-elle. C’est toujours la même situation. Dans le précédent, Un lieu incertain, j’avais démarré avec une histoire de vampires. Avec celui d’avant, Dans les bois éternels, j’étais partie de l’os qui existe dans le cœur du cerf. Tout le temps, c’est un bidule comme ça. Et je sais que fatalement je vais y aller. D’ailleurs, pour le prochain roman, c’est exactement pareil. »
Mais ce détail ne suffit pas, chez elle, à déclencher l’écriture. A l’image de ce que conseille Raymond Benson, Fred Vargas a d’abord besoin d’imaginer son assassin et ses mobiles. La suite ? D’autres détails, d’autres personnages. Des éléments qui, en tout cas, lui donnent envie d’aller plus loin. « Au début de L’Armée furieuse, j’ai donc un assassin. Je sais également qu’un des personnages aura un sixième doigt. Mais à quoi me servira-t-il ? Mystère. Je sais aussi que quelqu’un parlera en inversant les lettres, car ça existe, je connais quelqu’un qui parle ainsi. Mais comment l’installer dans une histoire ? Aucune idée, confie-t-elle. Seulement, si je n’ai pas ça pour démarrer, ça ne m’amuse pas. »
Aucune prise de notes
Et la raison pour laquelle Fred Vargas affirme ne jamais avoir d’idée précise sur son histoire, c’est qu’elle assure ne pas prendre de notes. « Je n’ai pas de vieille recette pour fabriquer une histoire. Quand je suis sur le point de m’endormir, je me retrouve à imaginer un dialogue que je ne note jamais, narre-t-elle. C’est la loi de Darwin, il restera ce qu’il restera le lendemain matin. Le soir, quand je pense à mon histoire, je ne note rien, j’en oublie quatre-vingt-dix pour cent. »
En revanche, une fois la machine lancée, elle est quasi inarrêtable. Pas d’inhibition, pas de syndrome de la page blanche : il lui faut à peine trois semaines pour finir un premier jet. « Sitôt que le film s’est déclenché dans ma tête, c’est comme si je le voyais défiler devant moi, expose-t-elle. Une fois que j’ai mis en place deux, trois chapitres, je n’ai plus qu’à suivre le film et raconter ce que je vois. » Bien évidemment, les trois semaines sont intenses. Comme elle l’exprime elle-même, Fred Vargas « crache » l’histoire : « J’écris vite, vite, vite, et le soir, quand je me couche, je prépare mentalement les chapitres du lendemain », détaille-t-elle.
   
Quarante relectures complètes !
Finalement, ce qui lui prend le plus de temps, c’est ce qu’elle appelle « le boulot d’ »auteur » ». Six mois de corrections en moyenne pour améliorer l’ensemble. Des modifications essentiellement stylistiques. « De la première mouture, il reste le scénario, sauf en cas d’incohérence purement technique, confirme-t-elle. En revanche, ce que j’écris en trois semaines ne ressemble à rien : la matière ne va pas, le son ne va pas. Il faut tout reprendre, lâche-t-elle. Ce  sont des corrections qui vont parfois jusqu’à la folie : un carnage, une boucherie de mots. Des passages entiers que je saque car ils sont mauvais, insauvables, inutiles. »
Au total, Fred Vargas avoue faire pas moins de quarante relectures du livre en entier. « A la fin, je n’en peux plus, je ne peux plus le voir. Car il y a beaucoup de bois mort, surtout dans les dialogues. Dire que c’est facile à lire, donc facile à écrire est complètement faux : c’est l’enfer ! » s’exclame-t-elle.
La famille en juge de paix
Ses premiers lecteurs, eux, sont ses proches : sa sœur Jo, son fils et sa mère. Et chacun a son rôle, son regard, sa façon de procéder. « Jo est peintre et donc, graphiquement, dans les marges, elle dessine soit un sourire soit un signe du genre « peut mieux faire ». Comme ma mère est très scientifique, elle se penche plus sur la logique, détaille-t-elle. Mon fils est, lui, attentif aux dialogues, en particulier quand ils sont trop longs. Il repère également toutes les répétitions de mots, tout ce qui n’est pas logique. Il m’en a fait baver avec son esprit mathématique. »
Cette rigueur, Fred Vargas l’explique par une seule raison : « Je dois simplement au lecteur l’obligation que mon histoire tienne debout, qu’il ait des explications, un mobile, mais aucune voix off », soutient-elle. Avant de conclure : « Au fur et à mesure que j’écris, je me rends compte à quel point c’est difficile, que le son du roman est aussi important que l’histoire, même s’il ne faut pas pour autant la bâcler. Ce fameux son que je cherche sans cesse et que je n’arrive pas à définir. Je sais juste que quand le son est bon, ma sœur Jo met un sourire et mon fils note « excellent ». Là, ça va. »
(d’après le magazine Lire)

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